Rachel Thonart Nardellotto
Le graphisme pourrait être - très simplement - un rapport aux choses.
Poser un regard conscient de la force des symboles, des textes, des couleurs, conscient de la composition et, a fortiori, des images, sur tout être ou toute chose. Un prisme qui nous accompagne, dans toutes les composantes de nos vies et qui permet de traverser les apparences.
Le graphisme pourrait être une force critique.
Comprendre comment d’autres communiquent vers nous et donc cerner ce qu’il·elle·s veulent nous communiquer, entre les lignes. Chaque image et chaque forme sont choisies et déterminantes. Chacune d’elles adresse un message, témoigne d’une prise de position. Se nourrir d’images et de formes, en cherchant à en déceler le sens, donc prendre conscience de leur pouvoir incalculable. Tenter de déconstruire ces codes pour pouvoir, à son tour, communiquer (ou aider à communiquer) en conscience.
Le graphisme pourrait être politique.
Travailler avec des images et des formes signifie prendre position. « Quels visuels ai-je envie de créer, dans quel cadre, pour qui et pour dire quoi ? ». Parfois, refuser de travailler sur certains projets pour ne pas aider à communiquer des choses auxquelles l’on ne croit pas. Surtout, choisir de mettre son énergie au profit d’initiatives qui nous paraissent justes. Bien sûr, admettre que ce en quoi l’on croit évolue avec nous et avec nos expériences.
Le graphisme pourrait être un service.
Chacun·e a sa propre perception du monde et ses propres valeurs, mais tout le monde n’a pas la possibilité de les faire exister visuellement. Tenter, avec sensibilité et humilité, de capter la vision et les intentions de quelqu’un·e et pouvoir les mettre en forme.
Le graphisme pourrait être lié à l’hypersensibilité.
Là où on pourrait ne voir qu’une simple forme : percevoir la force ou la patience. Un trait : la volonté. Une courbe : l’harmonie. Tenter de rendre nos existences plus poétiques, par moments, et avoir la possibilité de transmettre cette poésie à notre tour.
Le graphisme pourrait être un début de liberté.
Rendre possible, pour certain·e·s, le fait de se créer une profession qui leur correspond, de mieux en mieux, au fil de leur évolution. L’occasion de se frayer un chemin « à son image », au cours duquel tout est teinté de « graphisme » : de la communication graphique, de l’écriture graphique, de la céramique graphique, de la mode graphique, du textile graphique, des manifestations graphiques ou même des balades dans les bois graphiques. S’offrir le privilège d’une vie qui, autant que possible, nous appartienne et dont la forme évolue avec nous.
La seule chose dont je sois convaincue est que : quelle que soit la forme que prendra le monde, le graphisme y aura toujours une place.
Il y aura toujours quelqu’un·e qui aura quelque chose à exprimer et qui aura besoin de ce regard critique, conscient, politique et poétique pour le mettre en forme.
L’autre seule chose dont je suis convaincue est que, si l’on décide que toutes ces choses sont du graphisme, je suis bel et bien graphiste. Et heureuse de l’être.
Rachel Thonart Nardellotto, alias RTN-STUDIO, est une designer graphique vivant et exerçant à Liège. À ses yeux, les fondamentaux du graphisme peuvent habiter et affiner toute chose.
Visiblement fascinée par ce que le graphisme doit à la texture, elle semble toujours à la recherche d'une proximité avec la matière dans son travail visuel. Proximité qu'elle fait s'incarner dans des formes aussi diverses que la découpe, la broderie, le tissage, la mise en profondeur, l'installation typographique ou encore une appropriation des principes du pointillisme.
Ceci traduit sa visée générale : relief dedans et relief dehors.
Par Flore Mercier, Master en Arts visuels et médiatiques